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Sciences Po Paris : Analyse de la photographie «Bolides» par Robert Doisneau

L’oral d’admission de Sciences Po Paris, modifié avec la réforme du concours en 2021, obéit désormais à une nouvelle ritualisation au sein de laquelle est remis en selle le « commentaire d’image » déjà utilisé par le passé.

Les membres de la commission soumettront au candidat deux images d’actualité aussi bien que de la culture populaire ou du champ artistique. Le candidat aura quelques instants pour les observer et en choisir une. Il pourra alors expliquer son choix, décrire l’image, la mettre en contexte, l’interpréter … lors d’un échange de 10 à 15 minutes avec le jury sur les 30 minutes théoriques de l’oral. Le commentaire d’images vise à vérifier compétences de synthèse et d’analyse, capacités d’interprétation et d’argumentation. Mais c’est un exercice assez risqué, en réalité, qui, du point de vue des compétences, n’est pas moins discriminant que l’écrit.

Nous vous proposons de le découvrir ici, à travers un exemple de sujet.

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Photographie « Bolides » par Robert Doisneau

 

Description

Couleurs

Nous sommes en présence d’une photographie en noir et blanc.
Sur cette photographie, l’emploi du noir et du blanc permet de lui donner une dimension intemporelle, de faire le récit d’une histoire. Par ailleurs il accentue l’aspect poétique de l’image.

 

Lumière

Sur cette photographie, la lumière est douce et naturelle. Nous pouvons noter qu’il y a beaucoup de contrastes.

 

Cadrage

Cette photographie a été cadrée verticalement. Le photographe semble s’être agenouillé pour réaliser cette photographie.

 

Plan

Nous sommes en présence d’un « plan de demi-ensemble« . Il offre une parfaite visibilité de l’action qui se déroule mais aussi des éléments du décor qui l’entourent.

Sur cette photographie, nous pouvons voir, au premier plan, un jeune garçon en train de conduire une voiture à pédales. Il arbore un képi semblable à ceux portés par les policiers et tient fermement son volant des deux mains. Sa voiture est en approche du photographe et elle déambule de manière parfaitement rectiligne : sa trajectoire est parallèle à l’alignement du trottoir. Le garçon détourne son regard de l’objectif car il semble préoccupé par la présence du pneu crevé d’une réelle voiture mal garée. En effet, sa roue surplombe le trottoir.
L’arrière-plan est seulement composé de bâtiments. Il est toutefois possible de voir, au second plan, un camion en train de sortir de, ce qui semble être, un garage.

 

Profondeur de champ

L’arrière-plan est relativement net et permet de mettre en avant de fortes lignes de forces.

 

Lignes directrices

Nous pouvons observer, sur cette photographie, la présence de nombreuses lignes obliques provoquées par l’alignement du trottoir et des éléments architecturaux qui lui offrent un rythme dynamique et une certaine profondeur.

Un point de fuite se détache au niveau du pare-brise du véhicule garé sur le bord du trottoir.

 

Règle des tiers

La photographie respecte la règle des tiers.

Le garçon conduisant sa voiture est dans l’alignement de l’une des lignes verticales « du rectangle des tiers » tandis que la roue (dont le pneu est crevé) de la voiture garée en bord de route et le « nez » du camion (situé au deuxième plan) sont alignés à l’autre. De la même manière, tous ces derniers éléments sont aussi alignés aux lignes horizontales du rectangle. L’horizon qu’on ne parvient pas clairement à observer semble lui aussi être aligné à l’une des lignes horizontales du rectangle.

 

Mise en contexte  

Robert Doisneau est un photographe français (1912-mort le 1er avril 1994). Il est notamment reconnu pour ses nombreuses photographies de rues à Paris empreintes d’humour, de nostalgie et de tendresse. La photographie « Bolides » a été réalisée en 1956 à Paris.

 

Story telling 

Le format « portrait » est idéal pour les images d’action, car il donne plus de dynamisme aux photographies. En visualisant cette photographie, notre regard se balade du haut vers le bas ; on focalise donc rapidement notre intérêt sur l’enfant en train de conduire sa voiture.

Par les vêtements qu’il porte et son attitude, le garçon semble vouloir ressembler à un adulte. Par ailleurs, le fait qu’il porte un képi similaire à ceux portés par les policiers et qu’il conduit sa voiture de manière parfaitement rectiligne me laisse à penser qu’il apprécie l’ordre et l’obéissance. Il y a une énorme opposition de taille entre celle de la voiture à pédales et celle de la réelle voiture se trouvant à sa gauche. L’enfant semble perplexe voire furieux vis-à-vis du non-respect de l’ordre et de la loi commis par le conducteur de la voiture mal garée. Agissant tel un policier, il semble avoir noté une infraction. Son regard préoccupé peut également s’expliquer par le fait que la roue du véhicule, en plus d’avoir un pneu crevé, outrepasse son propre droit de circulation sur le trottoir. La roue n’a selon lui rien à faire là, car il s’agit de son territoire.

 

Interprétation 

De par ces différents éléments, je pense que, dans un certain sens, le trottoir symbolise ici le monde de l’enfant tandis que la route est celui de l’adulte.

Il y a donc sur cette photographie, une opposition entre deux mondes mais aussi entre ordre et désordre. En effet, par ses vêtements et son comportement, l’enfant représente l’ordre tandis que la voiture mal garée au pneu crevé qui empiète sur le trottoir (le monde de l’enfant) représente, lui, le désordre, la désobéissance.

Par ailleurs un autre élément ne respecte pas l’ordre imposé par l’enfant puisqu’un camion qui sort de son garage fait également intrusion dans son monde. Ceci est assez ironique car, en règle normale, c’est l’adulte qui est censé être un modèle en termes d’ordre et d’obéissance et l’enfant est reconnu pour être quelque peu indiscipliné. Les rôles semblent donc ici être inversés !

Cette photographie peut montrer, d’une certaine manière, l’ironie des espoirs que se forgent les enfants concernant le monde des adultes. L’enfant présent sur cette photographie semble aspirer à appartenir au monde des adultes qu’il idéalise en pensant qu’il y règne ordre et obéissance alors qu’en réalité il s’agit d’un monde de chaos, de mauvaise conduite où les gens empiètent sur les droits des uns et des autres.

 

Critique 

Cette photographie me paraît intéressante car, au travers d’une scène totalement banale, elle nous laisse la possibilité de construire des tas d’histoires dessus.

Car nous pouvons aussi imaginer que cette photographie témoigne du fait que, même en étant adulte, une part d’enfant demeure en chacun de nous (c’est la raison pour laquelle les deux véhiculent empiètent quelque peu sur le monde de l’enfant).

Robert Doisneau s’illustre ici comme l’un des principaux représentants du courant de la photographie humaniste française.

 

Sources :

 

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