Comment intégrer Sciences Po Paris en Master en 2023

En 2019, Sciences Po Paris a pris la décision de supprimer son épreuve écrite d’admissibilité, la note de synthèse, pour diversifier les profils de candidats et s’ouvrir à un plus large panel d’étudiants. Cette décision n’était que le prolongement des partenariats que Sciences Po avait noué avec d’autres Grandes Écoles, telles l’École Normale Supérieure ou HEC, où les étudiants présentant Sciences Po étaient d’office entendus à l’oral, sans épreuve écrite préliminaire. En dehors de ces partenariats, la sélection s’opère désormais sur la base d’un dossier et d’un entretien d’admission.

Avec la réforme, des candidats intéressants devraient se révéler, comme des ingénieurs qui auraient potentiellement été rebutés par l’écrit, selon Cornelia Woll, professeure titulaire à Sciences Po et directrice des études de 2015 à 2018. Mais pas seulement : cela permet aussi aux candidats de poursuivre sans discontinuer leur stage / année à l’étranger ou en région sans devoir se déplacer à Paris pour passer l’écrit. Ce système se veut plus souple et inclusif. Mais en contrepartie, les exigences sont revues à la hausse : là où un bon dossier soutenu par une bonne note à l’épreuve de note de synthèse suffisait, il faudra désormais présenter un très bon dossier pour décrocher l’oral.

Cette disparition de l’écrit avantage les profils diversifiés mais elle encourage également les candidats à être plus précis et convaincants dans la préparation de leur CV et de leur lettre de motivation. En effet, pour être d’abord entendu puis reçu, le message implicite est de se démarquer. Se démarquer par ce que l’on a accompli, par les voyages que l’on réalise, par les intérêts que l’on porte, par les expériences originales que l’on a faites, mais surtout à travers un projet professionnel construit et convaincant.

 

Le déroulé des opérations sera donc le suivant :

1. Le dossier de candidature à Sciences Po en Master

D’abord, un double examen du dossier réalisé par deux personnalités académiques de Sciences Po Paris, qui vise à déterminer sur une base équilibrée le niveau académique et le projet du candidat. Pour être sélectionné, il sera impératif d’avoir non pas nécessairement lissé son dossier, mais lié les éléments entre eux de manière cohérente. Un CV et une lettre de motivation bien préparés et rédigés avec le plus grand soin sont essentiels pour mettre en valeur les choses dont vous êtes le plus fier, et passer sous silence ce qui relève du superflu. La lettre en particulier est devenue l’épreuve du concours. Les candidats ont donc intérêt à y consacrer non pas quelques heures, comme ils auraient pu le faire pour des candidatures au Collège universitaire, mais bien plutôt plusieurs dizaines d’heures, depuis la phase de recherche et de réflexion jusqu’à la relecture finale.

 

Notre expérience est que certains candidats de bon niveau académique produisent des lettres de très grande qualité. Ils révèlent à la fois leur personnalité, leur potentiel, leur culture, mais aussi leur créativité, leur engagement, leur compréhension très fine de l’univers de Sciences Po et en particulier du champ sémantique et lexical du Master auquel ils postulent. Le tout est fluide, construit, élégant et surtout convaincant. Car tout, dans la lettre de candidature à Sciences Po en Master, devra converger vers le Master. Il s’agit de démontrer la forte cohérence entre le parcours antérieur, le projet académique et le projet professionnel. Nous y reviendrons.

 

La maîtrise de langues étrangères et une expérience à l’étranger (stage, séjour de recherche, long séjour…) sont toujours valorisées, car elles témoignent d’une ouverture d’esprit dont Sciences Po est friand. L’anglais tout particulièrement, niveau B2 minimum (le niveau C1 ou C2 étant idéal), est un critère qui oscille de « fortement recommandé » à « condition nécessaire » pour suivre les cursus en anglais (indépendamment de l’école choisie) ou intégrer l’École des Affaires Internationales. Avant de postuler à un master spécifique, il est essentiel de se renseigner sur le niveau exact requis en anglais. Une page du site internet de Sciences Po y est dédiée.

Vérifier sur le site de Sciences Po que vous avez toutes les pièces obligatoires est fortement conseillé pour éviter des sueurs froides la veille, et notamment pour les lettres de recommandation que vous devriez demander tôt. Vous pouvez également joindre au dossier de façon facultative un mémoire ou un devoir écrit. Si vous en avez un qui vous a valu des éloges, vous avez tout intérêt à le faire figurer. Il peut permettre de montrer un centre d’intérêt un peu différent ou d’excellentes capacités rédactionnelles, ou encore témoigner d’un niveau d’anglais élevé.

 

Focus : les Écoles de Sciences Po

Sciences Po se divise en sept écoles, qui sont toutes accessibles au niveau master. Il s’agit de l’École d’Affaires Publiques, l’École des Affaires Internationales (PSIA), l’École de Droit, l’École du Management et de l’Innovation et l’École Urbaine (dirigées vers l’emploi), auxquelles s’adjoint l’École doctorale, plus axée recherche. Au sein des Écoles, vous avez le choix entre des Masters plus orientés, par exemple Politiques publiques (anciennement appelé Affaires publiques), ou Affaires Européennes (AE) pour l’École d’Affaires Publiques.

L’entrée mythique du 27, rue Saint-Guillaume à Paris

 

2. L’entretien d’admission de Sciences Po en Master

Si vous passez avec succès la première partie de l’examen d’entrée et êtes convoqués à l’entretien d’admission, la moitié du chemin est fait, car l’écrémage est radical. Reste cependant l’épreuve-reine de Sciences Po : l’oral d’admission.

Il se tient devant une « commission d’entretien », qui est commodément appelée « jury ». Ce dernier se compose de deux personnes, dont au moins un représentant de l’équipe pédagogique du Master choisi. Une candidate récemment admise en master a ainsi eu dans son jury Eleonora Russo, directrice des études du Master d’Affaires Européennes. Pour toutes les écoles hors PSIA, l’entretien se déroule en français. Néanmoins, il peut y avoir, dans le cas des cursus en anglais et du Master AE, une question ou deux en anglais. Il s’agit de ne surtout pas se laisser démonter. Bien qu’elles servent également à évaluer votre niveau d’anglais, elles sont placées là pour vérifier surtout que vous n’êtes pas déstabilisé par un changement de langue, fût-il brusque.

Il est à noter que les questions « essentielles » ne semblent généralement pas posées en anglais. Dans la majeure partie des cas, ce n’est qu’une question vers la fin de l’entretien : « what activities would you like to do in Sciences Po ? », par exemple.

 

Les questions elles-mêmes se subdivisent en cinq grandes catégories :

a. Les questions classiques

À comprendre comme questions d’appui : ce sont les questions-types des entretiens. Il faut les avoir préparées et ne pas être pris au dépourvu. Par exemple, avoir préparé une présentation de soi en 3 à 5 minutes de temps, qui retrace un parcours cohérent. Une candidate a pensé sa présentation de manière à s’appuyer sur trois objets qu’elle avait apporté avec elle ; sans nécessairement aller jusque-là, le jury apprécie la clarté de votre parcours et son caractère logique. On peut parfaitement avoir vécu des expériences qui ont mené à des impasses, en tant que telles. Ainsi, une autre candidate avait réalisé une année de lectorat à l’étranger, au bout de laquelle elle était revenue convaincue qu’elle ne voulait pas être professeure ; elle s’est donc tournée vers les affaires internationales en stage et a intégré Sciences Po sur un projet professionnel orienté vers la diplomatie. Il peut donc être intéressant de révéler votre cheminement professionnel, même non-linéaire, s’il s’intègre à une réflexion plus large et qu’il ne consiste pas en une juxtaposition d’expériences les unes à la suite des autres. Votre présentation doit offrir au jury des prises pour de nouvelles questions, sans que celui-ci ait besoin de regarder votre dossier. La question « où vous voyez-vous dans 10 ans » (idée de plan de carrière) revient très fréquemment. Il faut l’avoir préparée minutieusement.

 

b. Les questions sur Sciences Po

Ces questions ont pour but de savoir si vous vous êtes vraiment intéressé à Sciences Po, ou si vous avez postulé là pour de mauvaises raison (l’unique prestige de l’École par exemple). Ce sont des interrogations générales : « pourquoi Sciences Po » (la compatibilité de Sciences Po avec votre parcours), des questions sur le programme du master auquel vous postulez (les cours qui vous intéressent), « pourquoi Sciences Po et pas une école de commerce », et enfin « que pensez-vous apporter à Sciences Po » étaient des questions communes parmi les candidats interrogés. Il y a également des questions plus pointues, comme « connaissez-vous l’institut de Sciences Po étudiant les questions agricoles ? » pour un candidat en Affaires Publiques voulant se spécialiser dans l’agro-alimentaire. Elles vous engagent à parler de vous. Un oral est censé vous permettre de dire qui vous êtes : il y a autant d’oraux différents que de candidats, et, lorsque l’oral est réussi, c’est le candidat qui parvient à l’orienter. Donc, préparez des arguments fondés sur votre expérience personnelle ! A force d’entraînement, apprenez à sortir de votre coquille de stress.

 

c. Les questions décalées sur la lettre de motivation

Ce sont les questions les plus dirigées. Elles mettent en avant ce qui a intéressé le jury dans votre lettre (donc souvent ce qui ressort de manière saillante). Expériences accomplies, prouesses réalisées, choses dont vous êtes fier, elles vous permettent de parler de ce que vous aimez. Un candidat qui voulait s’orienter dans le domaine public de l’agriculture s’est ainsi vu poser la question « des enjeux du quinoa en Europe ». Évidemment, cette question n’attend pas une « bonne » réponse ; de même que si l’on vous demande ce que vous pensez de la corruption en Angola, il vous faut soit :

  1. essayer d’élaborer une réponse à partir de ce que vous savez (des pays voisins, similaires, de la corruption en Afrique ou même en général…), soit
  2. « détourner » la question sur un sujet que vous connaissez mieux. En tout cas, la recherche d’une réponse sera valorisée, de même que votre combativité.

Ce n’est pas grave de ne pas tout savoir ; en revanche, il faut avoir la curiosité et l’intelligence au sens premier, « inter-lego », « lier entre eux » des faits, des événements, pour construire une pensée logique. Le jury peut aussi partir de votre lettre de motivation pour vous amener à élaborer une réflexion plus générale – ainsi « qu’est-ce que l’engagement » n’appelle pas une réflexion en deux parties intro et conclusion, mais une réponse courte avec un ou deux éléments personnels qui permette au jury de vous cerner. Appuyez-vous sur ce que vous connaissez, toujours.

 

d. Les questions liées au projet professionnel

Sensé, ambitieux et cohérent sont les trois maîtres-mots. Il s’agit de la pièce essentielle à Sciences Po. Vous devez impérativement travailler votre projet professionnel en amont afin de vous l’approprier. Le jury peut vous pousser assez loin sur le sujet (« pourquoi ce projet ? » « qu’est-ce qu’un préfet ? » « pourquoi travailler à l’étranger ? » « Quelles sont les principales entreprises du CAC 40 du secteur dans lequel vous souhaiteriez travailler ? ») et il importe d’avoir pour chaque question une idée précise de ce que l’on veut dire, même s’il vaut mieux ne pas recracher un discours appris par cœur avec trop peu de naturel.

Renseignez-vous sur le milieu de votre métier de prédilection, choisissez-le avec suffisamment de précision ; ne dites pas « je veux être adjoint à l’ambassadeur de Rome pour la coopération pédagogique » mais « j’aimerais travailler dans le milieu de la coopération pédagogique internationale car… et de préférence en ambassade car… à Rome serait mon rêve car… ». Ayez les pieds sur terre en réduisant le champ de vos projections pour montrer que vous êtes bien informé tout en visant grand et ambitieux.

 

e. Les questions sur l’actualité

Ces questions seront principalement en lien avec l’axe général de l’entretien. Ainsi, un candidat en Affaires Européennes spécialité Administration Publique s’est vu demander son avis sur la ZAD ainsi que sur les questions des « violences policières ». Une autre candidate au même Master (passant à 10h du matin) a été invitée à donner son avis sur la candidature de l’Albanie à l’Union européenne (qui avait déposé son dossier à 8h) ; elle a parlé de la Pologne, autre pays de l’UE dans lequel la question de la démocratie est sensible, et qu’elle connaissait mieux. Une candidate au Master de Communication à l’École du Management et de l’Innovation a eu « que pensez-vous de tel fait divers ? »

Ces questions visent à déterminer d’abord si vous suivez l’actualité, y compris ultra-brûlante, ensuite si vous êtes capable de défendre une opinion. Toutes les opinions sont valables, vous n’êtes pas jugés sur elle, mais il faut avoir des arguments, les développer, penser avec la personne en face. C’est un vrai dialogue, ce n’est pas un interrogatoire.

 

Les petits conseils qui font la différence

Pour conclure :

Calendrier du concours 2023

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