L’enseignement de spécialité Sciences de l’ingénieur

La réforme des programmes du lycée initiée en 2019 donne une orientation nouvelle aux sciences de l’ingénieur, en accord avec le monde actuel. Quelles sont ces évolutions et quel rôle jouent les sciences de l’ingénieur dans les choix d’options en terminale ?

 

Article SI Lycée Ipesup

Crédit : UPSTI

Aujourd’hui plus que jamais notre société en pleine mutation a besoin de réponses pertinentes à ses interrogations dans un contexte de contraintes économiques et environnementales fortes. Au point de convergence des aspects scientifiques, technologiques et sociétaux du monde contemporain, l’ingénieur est un acteur incontournable pour mettre en œuvre cette mutation.

Les sciences de l’ingénieur constituent un enseignement scientifique et transversal centré sur l’innovation technologique alliant notamment l’ingénierie mécanique, électrique, automatique et numérique avec pour objectif central de former des ingénieurs éthiques, responsables et porteurs d’innovation.

 

Les sciences de l’ingénieur au lycée et le nouveau bac

En classe de Seconde, deux enseignements optionnels préparent à l’enseignement de spécialité de Première et de Terminale : l’option « Création et innovation technologique » et l’option « Sciences de l’ingénieur ». Si la première est orientée vers l’innovation et la création, la seconde tendra plus vers l’analyse des choix technologiques et la démarche collective de résolution de problèmes complexes.

Pour les deux options, l’accent est mis sur des thématiques actuelles cruciales : les territoires et les produits dits « intelligents » (la mobilité des personnes et des biens, les structures et les constructions, les objets connectés), l’humain assisté, réparé, augmenté (les produits d’assistance pour la santé et la sécurité, la compensation du handicap, l’augmentation ou le suivi des performances du corps humain).

En classe de Première et de Terminale, on retrouve un seul enseignement de spécialité (4h hebdomadaires en Première, 6h en Terminale) : les « Sciences de l’ingénieur ». Outre les thématiques abordées en Seconde qui sont prolongées, un troisième thème intitulé : « Le design responsable et le prototypage de produits innovants » est abordé, incluant :

  • l’ingénierie design de produits innovants : les élèves sont invités à proposer des solutions nouvelles sur des problématiques simples mais aussi des évolutions de solutions techniques existantes pour prendre en compte une rupture technologique ou une évolution des attentes des clients. Cette compétence est essentiellement travaillée dans les temps consacrés aux projets d’innovation (12h en Première, 48h en Terminale) où les élèves, en équipe, doivent mettre en œuvre une ou plusieurs technologies pour répondre à un besoin et des performances clairement définis. Parmi les projets collectifs existants en Première, les élèves peuvent par exemple se voir proposer de réaliser un robot de télé-chirurgie, ou encore un engin de digi-contrôle permettant à une personne à mobilité réduite de commander des appareils à partir des mouvements de la main.

 

  • le prototypage de solutions imaginées en réalité matérielle ou virtuelle : au cours de ce projet, les élèves devront imaginer leur solution puis la réaliser soit sous forme d’une maquette numérique 3D animée et fonctionnelle, soit d’un prototype fabriqué sur des équipements type Fablab (imprimante 3D, découpe laser…) dont sont ou seront équipés les laboratoires.

 

  • les applications numériques nomades : l’accent est mis sur les problématiques liées aux technologies nomades et leurs applications. Les projets pourront donc être orientés sur des produits évoluant dans un environnement communiquant (transmissions wifi, Bluetooth…) et nomade (alimentation sur batterie, encombrement faible…).

 

Le choix délicat des spécialités en Terminale

Pour une poursuite d’études scientifiques, que ce soit au niveau BTS, BUT[1] ou en classe préparatoire aux Grandes Écoles (CPGE), le choix des enseignements de spécialité peut être un casse-tête à cause du passage de 3 à 2 enseignements de spécialité entre la Première et la Terminale. Heureusement, en ce qui concerne les enseignements de spécialité scientifiques, beaucoup ont des points communs et permettent au lycéen de construire un profil ouvert tout en disposant d’un bagage scientifique et technologique solide.

Ainsi pour des études en BTS ou en BUT, le choix des spécialités reste assez naturel et les Sciences de l’ingénieur pourront être couplées avec les spécialités de Mathématiques, Physique-Chimie, ou encore Numérique et Sciences Informatiques, voire Sciences de la Vie de la Terre (SVT) pour accéder à des BTS et des BUT à orientation scientifique ou technologique comme l’automatique, la mécanique, le bâtiment et les travaux publics, le bois/céramique, les textiles,  l’électronique, l’informatique et les réseaux, etc.

Pour une poursuite d’études en classe préparatoire scientifique, le choix est plus délicat. Il est unanimement conseillé d’opter pour les Mathématiques en Première et en Terminale à cause du niveau exigé en CPGE. Il restera donc à choisir un seul enseignement de spécialité en Terminale. Le choix peut alors s’apparenter à un renoncement dans certains cas. Un bachelier envisageant une CPGE scientifique MPSI ou PCSI pour laquelle les trois matières (avec les Mathématiques) sont de poids sensiblement équivalent et forment un ensemble cohérent pourrait hésiter entre l’enseignement de spécialité Physique-Chimie ou les Sciences de l’ingénieur. On notera que si le choix est porté sur les Sciences de l’ingénieur et les Mathématiques en Terminale, la spécialité inclut 2 heures de Physique hebdomadaires, ce qui permet de prolonger l’enseignement de Physique-Chimie de Première. L’UPSTI[2] insiste sur le fait que ce choix offre le plus gros volume horaire sur les matières scientifiques (17h par semaine avec l’option math experte).

Le choix a néanmoins suscité beaucoup d’interrogations. Comment s’orienter vers une CPGE scientifique avec le meilleur profil pour être admis dans la formation souhaitée et réussir au mieux sa scolarité ?  La réponse est généralement donnée par les CPGE visées. En début de première année, les équipes enseignantes peuvent organiser des modules de remise à niveau en Sciences de l’ingénieur, ou en Physique-Chimie, le volume horaire étant pris sur les heures d’interrogation orale du premier semestre[3]. Le recrutement devrait donc être plus ouvert et laissera la place à un choix plus libre des enseignements de spécialité en Terminale.

Pour certaines filières, par contre, les choix sont déterminants : pour envisager un cursus PTSI-PT en CPGE où les Sciences de l’ingénieur sont prépondérantes, il est vivement conseillé de les choisir en Première comme en Terminale, sachant que ce choix ouvre aussi aux MPSI et PCSI. En revanche la nouvelle filière MP2I[4] n’est pas compatible avec les Sciences de l’ingénieur en Terminale, il faudra alors choisir l’enseignement « Numérique et sciences informatiques ».

Enfin, les programmes de Sciences de l’ingénieur en CPGE, même s’ils ne sont pas connus en détail à ce jour, vont également évoluer dans la continuité des programmes de Première et Terminale avec une plus grande intégration de l’informatique et de la programmation, prenant en compte l’arrivée de notions liées au big data et à l’intelligence artificielle, incontournables dans le paysage technologique d’aujourd’hui.

Guillaume Dumont

Agrégé de sciences de l’ingénieur

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[1] Le BUT (Bachelor Universitaire de Technologie) est un diplôme préparé en 3 ans qui remplace le DUT à partir de la rentrée 2021.

[2] Union de Professeur de Sciences et Techniques de l’ingénieur. Voir https://www.upsti.fr/public/UPSTI/UPSTI-Choisir_la_specialite_SI.pdf

[3] La circulaire du 10 juillet 2013 permet aux équipes éducatives d’aménager les enseignements du premier semestre de CPGE pour personnaliser les parcours des étudiants : « […]. Pour assurer cet accompagnement individualisé, les heures d’interrogations orales doivent également pouvoir être mises à profit et faire l’objet, en tant que de besoin, d’une répartition appropriée. C’est dans ces conditions que l’étudiant pourra s’engager dans un parcours de réussite et exprimer son véritable potentiel qui peut se révéler assez sensiblement différent de celui qui a été mesuré à l’issue des études secondaires. ». La circulaire est effective depuis 2013 mais rappelé par la direction générale de l’enseignement supérieur dans le cadre de la réforme du baccalauréat en 2020.  

[4] Mathématiques, Physique, Ingénierie et Informatique. Cette nouvelle filière de CPGE sera ouverte dans une bonne part des CPGE lycées à la rentrée 2021.